Le terme "darwinisme" signifie la théorie exposée par le biologiste anglais Charles Darwin (1809-1882) dans son ouvrage De l'origine des espèces (1859) «selon laquelle les espèces sont issus les unes des autres selon les lois de la sélection naturelle, effet de la lutte pour la vie». (Ref. Dictionnaire Petit Robert). En résumé, la théorie de Darwin consister à dire que: 1
Sur la terre, il y a plusieurs espèces. Toutes ne peuvent s'adapter aux changements (climatiques, sociaux, etc) auxquels ils devront faire face. Si les espèces ne réussissent pas à s'adapter à ces changements, elles disparaîtront. Ce phénomène se nomme "processus de sélection naturelle". Les nouveaux mécanismes développés par ces espèces les font évoluer.
La théorie sur l'évolution d'un autre biologiste, Herbert Spencer (1820-1903), a précédée celle de Darwin. Il croyait que les espèces devaient progressivement s'adapter aux changements. Mais à la différence de Darwin, Spencer pensait que lorsque une espèce est parfaitement adaptée à son environnement, elle cesse de changer. Pour Darwin, l'évolution des espèces est un processus permanent, alors que pour Spencer, elle a une fin. Comme Darwin, Spencer croyait que les espèces ne pouvant s'adapter étaient condamnées à disparaître. 2
-Le darwinisme appliqué à la société, le "Darwinisme social"
Suite à la publication de De l'origine des espèces, certains ont voulu appliquer la théorie de Darwin à la société de leur temps.3 C'est ce que l'on appelle le Darwinisme social. On peut résumer le darwinisme social de la façon suivante.
Le principal fondateur de ce courant de pensée est l'ancien rival de Darwin, Herbert Spencer, dont la réputation est fondée davantage sur ses travaux sociologiques que sur son travail de biologiste. On peut résumer sa pensée sur l'évolution humaine de la façon suivante:
L'évolution humaine est un processus où il y a inter-relation entre un ensemble d'êtres humains (une collectivité) et les individus qui la composent. A mesure qu'une collectivité évolue à travers le temps, les caractéristiques physiques et les comportements des individus qui la composent s'adaptent aux circonstances de leur environnement. Il y a alors une augmentation de la diversité entre les individus mais pas toute cette diversité va survivre puisque les caractéristiques et les habitudes de vie qui sont mal adaptées aux circonstances vont disparaître. L'évolution humaine est un mouvement progressif qui tend vers un "équilibre" et par lequel les individus changent leurs caractéristiques et leurs habitudes jusqu'à ce qu'ils soient parfaitement adaptés aux circonstances. A partir de ce moment, il n'y aura plus de changement.
Le Darwinisme social mène facilement à l'idée qu'il ne sert à rien de corriger ces inégalités par des mesures gouvernementales ou économiques, car le problème se situe au niveau biologique et comportementale. Certains croyent même que l'eugénisme est justifié, c'est-à-dire qu'il est acceptable moralement d'éliminer les plus faibles, car jamais ils ne pourront s'adapter aux changements.
-Certains humains ne sont pas biologiquement "équipés" pour survivre ce qui engendre l'inégalité entre les gens.
-Cette inégalité biologique entre les différentes membres d'une société détermine un certain ordre social. Pour maintenir la cohésion et l'ordre au sein de la société, il en fallait pas tenter d'éliminer les inégalités.
-Impact du Darwinisme social
Les historiens ont des perceptions différentes de l'influence du
darwinisme social au 19e siècle. Il y a en général
trois interprétations.
-Richard Hofstadter
Pour l'historien Richard Hofstadter (1916-1970), le Darwinisme social
a été populaire aux États-Unis, parce que «American
society saw its own image in the tooth-and-claw version of natural selection,
and that its dominant groups were therefore able to dramatize this vision
of competition as a good thing in itself».4
-Robert C. Bannister
Selon l'historien Robert C. Bannister , le Darwinisme
social avait mauvaise réputation à la fin du 19e siècle
aux États-Unis. Etre un Social darwiniste voulait dire appuyer
la thèse du "no one counts". Ainsi, dans l'esprit de
plusieurs, le Darwinisme social justifiait les pires excès du capitalisme,
du laissez-faire et du libre-marché. Par exemple, il ne fallait
pas aider les pauvres, que ce soit financièrement ou matériellement,
car cela contrevenait aux lois de la Nature. Ces gens ne devaient pas
survivre. Chacun pour soi. Aider les pauvres à survivre, cela revenait
à cautionner la multiplication d'indésirables. Le Darwinisme
social, dans cette optique, "normalisait" les inégalités
sociales.5
Selon Bannister, au 20e siècle, on a eu tendance à
placer l'étiquette Darwinisme social à tort et à
travers. Ainsi, pour Bannister, les écrits du juriste Oliver Wendell
Holmes que plusieurs qualifient de Darwinisme social ne se situent pas
dans ce courant.
-Howard L. Kaye
Le sociologue Howard L. Kaye soutient que le Darwinisme social a été
mal interprété. Selon Kaye, il faudrait analyser le Darwinisme
social en tenant compte du fait que les «early applications of evolutionary
ideas to social theory attempted to reconcile modern science and traditional
religious and cultural values.» 6
Ainsi, il est injuste de dire que ceux qui adhéraient au Darwinisme
social justifiaient, avec cette théorie, l'exploitation des gens
par le capitalisme.
Références
1. David Sills,ed.«Social darwinism»
International encyclopedia of the social sciences, New York,
Macmillan, 1968, p.402
2. Gonçalo L. Fonseca et Leanne Ussher (Site
consulté le 22 avril 2005) Herbert Spencer (1820-1903)(en ligne).
Adresse URL:
http://cepa.newschool.edu/het/profiles/spencer.htm
3. David Sills, ed. «Social darwinism»,
International encyclopedia of the social sciences, New York,
Macmillan, 1968, p.402-404
et Serge Lapierre (Site consulté le 15 mars 2005) Éléments
de théorie de l'évolution. (en ligne). Adresse URL: http://www.colvir.net/prof/serge.lapierre/Evolutionnisme.html.
4. Richard Hofstadter. Social Darwinism in American
Thought. revised edition, Boston, Beacon Press 1955, (1945), p.201
5. Richard Bannister (Site consulté le 22
avril 2005) preface to the paperback edition (1988) of Social Darwinism:
Science and Myth in Anglo-American Social Thought (Temple University Press,
1978), (en ligne). Adresse URL:http://www.swarthmore.edu/SocSci/rbannis1/SD.preface.html
6. David Sills,ed.«Social darwinism»
International encyclopedia of the social sciences, New York,
Macmillan, 1968, p.402